Il était une fois...
Dans la cour de l'ancienne ferme bourguignonne que j'habite, ancienne propriété de mes grands-parents, un puits recèle soit-disant un sucrier en argent.
Mais avant d'en arriver à mon histoire il faut d'abord que je vous parle de mon grand-père, Robert, que certains d'entre vous connaissent déjà un peu à travers ma série "Nous sommes de la boue qui marche" ou celle de ma fille The treasures left behind my great-grandfather.
Robert a épousé Geneviève en 1927. Ils ont acheté la maison où je vis actuellement en 1947. Mon mari et moi l'avons récupérée en 1981, deux ans après le décès de mon grand-père. Cette maison a longtemps été une ferme avec tout ce que cela comporte: grange, écurie, poulailler, porcherie, hangar et atelier. Pour abreuver les bêtes et subvenir aux besoins en eau de la propriété, il y avait un puits dans la cour. Nous pensons que ce puits date du XVIIe siècle car, au-dessus de la porte d'entrée de la maison se trouve un linteau sur lequel est gravé les initiales A.G et la date 1665.
Robert était un homme de grande taille et intimidant. Il avait fait la guerre de 14/18 puis celle de 39/45 et son parcours était chargé de bouleversements. Né dans une famille bourgeoise, fils aîné de 5 enfants et éduqué par un précepteur on peut dire que les débuts de son existence avaient été plutôt confortables.
Ce qu'il vécut en 14 je n'en parlerai pas ici car vous pouvez toujours lire "Nous sommes de la boue qui marche". Il devint ensuite régisseur dans le nord de la France puis propriétaire d'un hôtel restaurant à Creil où il s'improvisa cuisinier.
La guerre de 39/45 arriva et les allemands réquisitionnèrent son hôtel. Il abandonna tout par obligation et partit avec sa famille, lors de la débâcle, dans sa région d'origine, la Bourgogne. Là après quelques expériences non convaincantes il loua une ferme et devint fermier. La maison se trouvait sur la ligne de démarcation, mais ça, c'est une autre histoire.
Comme à chaque fois qu'il changeait de profession il se plongeait dans les livres et apprenait par lui-même. C'était un homme qui déployait une énergie folle dès qu'il se passionnait. Que ce soit pour la cuisine, l'agriculture, l'élevage le dessin ou la peinture rien ne l'arrêtait. C'était un battant, comme on dirait aujourd'hui.
Ce personnage avait pourtant deux énormes défauts, il était très dépensier et ne supportait pas qu'on le contrarie! Il pouvait entrer dans des colères phénoménales et devenait même parfois, violent.
Ma grand-mère faisait tout pour éviter les colères de mon grand-père car, d'après elle, ces humeurs étaient dues à ce qu'il avait vécu en 14. C'est tout du moins ce dont elle se persuada tout au long de sa vie. Pourtant, parfois, elle aussi était capable d'entrer dans des "rognes" comme elle disait, dignes de celles de Robert.
Et c'est là que nous arrivons à l'histoire du puits.
Un jour donc, aux alentours de l'année 1962, Robert apprit à sa femme qu'il avait vendu quelques un de ses bijoux parce qu'il n'avait plus d'argent pour payer le cheval qu'il venait d'acheter. Comme ce n'était pas la première fois qu'il agissait ainsi elle entra dans une colère noire.
La première chose appartenant à Robert qui lui tomba sous la main était le sucrier. Elle s'en saisit, s'approcha du puits de la cour en levant la main et le jeta avec violence en hurlant: "Et bien voilà ce que je fais de tes affaires, moi!" puis elle repartit aussitôt s'occuper de ses petits cochons.
Ce sucrier était en argent et gravé au nom de Robert. Il lui avait été offert à sa naissance, comme cela se faisait dans sa famille, avec une tasse et une sous-tasse, une cuillère et une cafetière. C'était là, pour ma grand-mère, un geste abominable. Elle était économe à un point tel qu'elle était vraiment à l'opposée de son mari et en faisant ce geste elle montrait par là qu'elle n'en pouvait vraiment plus.
Elle me raconta cette histoire en rigolant un jour que nous évoquions les colères de mon grand-père.
Quelques années après que nous ayons acheté la maison, cette histoire me revint. Je la racontais à mon mari et nous décidâmes de faire curer le puits qui, de toute façon, en avait bien besoin. Sachant qu'il avait presque 400 ans peut-être allions-nous trouver des pièces d'or en plus du sucrier!
Vous aurez la réponse ans le prochain épisode.