De Cape Town à Mombasa, 3 mois, 8 pays, 12 500 km – La Tanzanie 3


L'aventure du café

Le tour du massif du Kilimandjaro en voiture prends un peu de temps mais c’est une belle promenade de par la diversité des paysages traversés.

Le sud ce sont des villes touristiques et une route embouteillée de camions amenant les marchandises de Mombasa, le port Kenyan voisin. L’ouest n’est pas verdoyant mais peuplé de grandes fermes particulièrement bien entretenues où il est facile de demander asile pour un ou deux nuits. Le nord est plus sec et sauvage, pour un temps encore, celui que les entreprises Chinoises emploieront à finir la route en construction. L’est, enfin, est vert, tropical, et peuplé de petits villages agricoles.

Les paysages varient aussi avec l’altitude. Vers l’intérieur on monte rapidement dans le massif et le paysage change comme dans la plupart des montagnes du monde. Pour les amateurs de hors piste, plus on monte plus c’est compliqué, il suffit de faire demi tour quand on a rempli son besoin d’aventure.

* * * * *

Il y a une rencontre que j’ai beaucoup aimée au cours de ce périple, celle avec un vieux monsieur à qui nous avions demandé un conseil pour le campement du soir et engagé une petite conversation. Il avait passé sa vie à travailler dans le café très présent sur ce versant sud. On percevait une passion profonde, on a eut envie de la partager. C’est comme ça, qu’après une nuit fraîche et un réveil au pieds des fameuses neiges du Kilimandjaro, notre nouvel ami est venu nous chercher pour une découverte pédestre des plantations de son village. Plongée dans le monde du café.

Il faut d’abord marcher à travers des chemins sillonnant une épaisse forêt. Notre ami est sur son trente et un, je crois qu’il est aussi heureux de nous faire découvrir son monde que nous de le visiter. Ces chemins qui semblent oubliés sont en fait très empruntés par les habitants. Ils vont au marché ou à l’école, toujours une blague ou un mot de bienvenu au bord des lèvres pour l’étranger de passage. Pour qu’il se sente chez lui.

La plante du café, le caféier, est un petit arbuste qui fait des sortes de graines comme l’on peut le voir sur la photo en haut de l’article. Elles sont appelées cerises quand elles sont encore sur l’arbre, probablement parce qu’elles deviennent rouge quand elles sont mûres. Avant de faire les graines évidement la plante fait des fleurs, il en reste juste quelques unes à cette époque, que notre guide déniche pour nous enseigner.

On commence par la cueillette. Il faut choisir les cerises les plus rouges, une par une. C’est un travail long et entièrement manuel. Je suppose que dans les grandes exploitations on ramasse par grappes. Ici les plantations sont minuscules et familiales. Les regroupements s’effectuent ensuite par des systèmes complexes de coopératives d’achat qui donnent toujours le même résultat : le bénéfice aux distributeurs et le minimum de survie pour les producteurs.

Le travail de l’agriculteur peut s’arrêter là s’il vend le grain tel quel. Pour notre grand plaisir, il n’est pas question que le vieux monsieur nous laisse partir sans nous enseigner l’ensemble du processus. Une fois la récolte effectuée il faut enlever l’écorce qui protège le grain de café appelé fève. On peut le faire à la main mais c’est fièrement que l’on nous fait découvrir la machine miracle. Nous voilà, l’un à faire tourner la roue qui entraine la machine, l’autre ajoutant les grains récoltés et l’eau nécessaire au bon déroulement de l’opération. L’œil de l’expert, vigilant, corrige et optimise chacun de nos gestes.

Les écorces partent d’un côté les grains nus de l’autre. Il faut maintenant les nettoyer d’une couche invisible, un peu grasse. Pour cela on devra les laisser tremper 24h environ dans de l’eau claire que l’on renouvellera pour plusieurs rinçages. Il y a un petit ruisseau, arrivant directement des hauteurs du Kilimandjaro, qui nous fourni une belle eau fraiche et transparente. Les fèves sont bichonnées, lavées et relavées avec la patiente attention du boulanger qui pétrit sa pâte.

Une fois bien rincé, il faut mettre les fèves à sécher. On n’aura pas à attendre pour continuer notre cheminement vers le café car il y en a un certain nombre sur le séchoir depuis des durées différentes. On peut observer facilement l’évolution. Je suis épaté par la passion que nourrit ce vieux monsieur. Il touche les fèves, avec délicatesse, avec tendresse pour ne pas dire amour. Probablement de nombreux souvenirs qui remontent dans sa tête. J’en oubli un instant le café pour m’imaginer sa vie dans un espace à la fois si restreint et infini.

Le temps de séchage dépend de la météo, entre deux et trois semaines. Chaque grain est observé manuellement, jeté sans considération s’il n’est pas parfait. Je suis sorti de mes rêveries par l’ordre impératif de m’emparer sans délai d’une petite quantité de grains sélectionnés pour la suite. Heureusement ma femme est plus attentive, le café ce n’est pas fait pour les rêveurs, c’est sérieux. Les fèves sont placées dans un mortier, frappées, pour les débarrasser d’une fine peau qui est apparue au séchage. Ensuite comme pour tous les grains en Afrique, on utilise le petit courant d’air pour séparer les grains des poussières si légères que le vent les emporte au moment ou les grains sont jetés en l’air, un peu comme on fait sauter les crêpes.

A chaque étape les grains sont inspectés, le moindre défaut est éliminatoire, le tri est impitoyable. Un feu a été allumé un peu plus loin et une casserole épaisse, couleur café, pour avoir résistée à tant d’incendies domestiques y a été déposée. Les fèves sont placées dedans et remuées à plein temps. Surveillées comme le lait sur le feu, on est en train de torréfier le café.

Ce n'est pas long, en quelques minutes les fèves prennent la couleur qu’on leur connait et sont retirées du feu.

Je revois ma grand-mère moudre les grains son moulin manuel bloqué entre les jambes. Le café s’achetait en grains tel que nous venons de les obtenir à son époque. Ici pas de moulin, on replace les fèves torréfiées dans le mortier et on se met au travail. Plus dur et surtout plus long qu’il n’y parait pour obtenir une poudre homogène.

Il n’y a plus qu’à jeter la poudre obtenue dans la casserole replacée sur le feu, remplie d’eau cette fois, pour obtenir notre café. Il faut bien sûr le filtrer pour en retirer la poudre, on veut du café Tanzanien pas du café Turc.

Il n’y a plus qu’à déguster alors que notre professeur pousse la pédagogie jusqu’à nous faire un récapitulatif des différentes étapes de la transformation, du plant de café à droite à la tasse à gauche.

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Quel plaisir de rencontrer des gens passionnés par leur vie et généreux dans le partage. Demain nous quitterons à regret cet endroit, riches d’une rencontre inoubliable de plus, un souvenir qui ne s’achète pas. Les grands parc Tanzaniens nous attendent.

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