De Cape Town à Mombasa, 3 mois, 8 pays, 12 500 km – Le Zimbabwe 2


Pour traverser le Zimbabwe d’ouest en est nous avions choisi d’explorer les rives du lac Kariba. C’est le côté sauvage qui nous attirait, cette partie du pays n’a jamais été mise en valeur, très éloignée des axes de communication principaux. On y cherchait un Zimbabwe « profond », plein d’authenticité et de tangible réalité. On l’a trouvé grâce au contact facile avec une population simple et hospitalière.

Le lac tire son nom du village où a été édifié, fin des années 50, un barrage hydroélectrique qui coupe le fleuve Zambèze. Le barrage lui-même est un des plus grands du monde. Il a entraîné l’inondation des gorges du Zambèze sur presque 300km, inondations à l’origine du déplacement d’hommes et d’animaux.

300 kms qui se transforment en 500 par les pistes et qui nous occuperons une bonne dizaine de jours.

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Mbilizi


Heureusement on avait prévu l'essence
Notre 1er étape sera Mbilizi, une minuscule ville tout au bout du lac, opposée au barrage. Nous avions entendu parler d’un bateau qui faisait le trajet jusqu’à Kariba en deux jours et qui partait de ce lieu dit Mbilizi. On a pu garer la voiture (et donc la tente) au bord du lac dans un ancien campement de pêche qui avait connu des jours meilleurs.


Sur les rives du lac Kariba
Un couple de vieux Zimbabwéens blancs complétait la maigre retraite de son exil Sud Africain en proposant des repas dans leur maison. Ils avaient du quitter leur Zimbabwe natal au début des années 90 mais avaient décidé de revenir y finir leur vie. Pauvres mais dignes comme peuvent l’être de vieux descendants des Anglais. Sans possibilité de soins ou de secours ils étaient heureux, simplement d’être là, de reparler la langue, de partager l’espoir d’un peuple attendant le décès de son vieux leader, en espérant des jours meilleurs. Nés dans les années 40, leur vie était un livre d’histoire, de la Rhodésie au Zimbabwe en passant par l’Afrique du sud. Avec un client chaque trois mois ils étaient prêt à raconter, nous a écouter.

Binga

On n’a pas pris le bateau, on a choisi la piste, on voulait voir des gens. La seconde étape n’était pas prévue, un monsieur au costume fatigué et poussiéreux faisait de l’autostop. Il était proviseur d’une école à Binga, autre petite ville des berges du lac. Il nous a invités, on a accepté. C’est incroyable le nombre de belles rencontres que l’on peut faire en Afrique en prenant des gens en stop. J’avoue que parfois j’en abuse un peu, un militaire ou un policier dans la voiture est bien pratique pour passer plus facilement les barrages et les contrôles.


Bien accueillis à Binga, nous disposons même d'un bel endroit pour poser notre maison

Notre nouvel ami nous a fait découvrir Binga, facilité tout ce dont nous avions besoin, présenté ses amis. Ils nous ont raconté l’histoire du barrage qui a inondé les villages où vivaient leurs parents obligeant des milliers de personnes à des déplacements involontaires. Les nouvelles terres moins aptes à l’agriculture ont finies d’appauvrir un peuple qui n’en avait pas besoin. Il nous a montré comment ils essayent de faire face au manque de moyen dans l’éducation. Et partout ce mélange de résignation et cet invincible optimisme.

La piste

Il a fallu repartir, il faut toujours repartir. Au Zimbabwe la police n’est pas toujours facile, les contrôles ont souvent vocation à vous mettre une amende. Après presque 20 ans à traîner en Afrique on est habitué, on arrive à s’en débrouiller. Une bonne technique est d’apprendre quelques mots des langages locaux pour faire rire les policiers, ils ne savent ensuite plus comment continuer à jouer aux méchants. Une bière sortie du frigo au bon moment fait des miracles pour passer d’un statut de coupable potentiel à celui d’invité de marque.

Pas de route, pas de police, d’où m’a surprise de voir mon chemin entravé par une barrière improbable munie d’un panneau Stop aux couleurs délavées. Un monsieur en uniforme arrive, armé … d’un filet à papillons. Il s’agit d’un contrôle de mouches Tsé Tsé. Avec son filet il cherche dans la voiture la présence de ces fauves assoiffés de nous endormir. Rien à signaler. Il nous conseille de rouler fenêtres fermées, bienvenu en zone Tsé Tsé, « la mouche qui tue le bétail » en langage Twana, celle qui transmet la maladie du sommeil. On en verra beaucoup, grosses, laides et particulièrement difficiles à assassiner.

Un peu plus loin la piste devient particulièrement difficile. Elle disparait entre les arbres bas, on roule sur un tapis de roches toujours plus grosses. Au pas il nous faudra plusieurs heures pour parcourir 20 kms sans jamais dépasser 5 ou 6 km/h, boîte courte. Ma femme a une confiance naïve dans des talents de conducteur dont je n’ai jamais présumés et s’amuse bien. Pour moi c’est pas mal de stress, changer de roue dans ces inclinaisons de pierres serait déjà un défi, casser une amortisseur serait vraiment compliqué. Heureusement en Afrique il n’y a jamais de problème.

Notre dernier auto stoppeur, alors que la piste avait repris une tournure plus chaleureuse, était un garde national. Il nous a expliqué que quand le barrage s’est rempli ce ne sont pas seulement des gens qui ont du être déplacés, mais également un grand nombre d’animaux. Une opération joliment baptisée Noah a permis de sauver in extremis plusieurs milliers de gros animaux sur 5 ans. Certains n’ont pu être évacués et ont eu la chance de pouvoir se réfugier sur des îles sur lesquelles ils sont toujours et où ils s’épanouissent dans de magnifiques éco systèmes fermés.


Une signalisation efficace, une dizaine de km après le panneau

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Le 1er barrage de police nous a signalé le retour à la civilisation et retardé d’une petite demi-heure une douche bien méritée que l’on espérait trouver au prochain village. On a du raconter notre voyage et les difficultés et les merveilles des derniers jours, prendre des mines fatiguées. Comment ces jeunes policiers auraient-ils pu sanctionner un pauvre couple de vieux voyageurs poussiéreux ?

Ils nous ont appris que le barrage est dans un état dangereux et que de nombreux ingénieurs ont avertis que rien n’exclus qu’il s’effondre si des réparations urgentes ne sont pas réalisées. Si cela venait à se produire, 3 millions de personnes seraient en danger de mort au Zimbabwe et Mozambique voisin. Espérons qu'ils ont juste voulu nous faire peur.

C’est sur cette vision de terreur que l’nous continuons notre route vers un des endroits les plus spectaculaires de notre voyage, le parc national des Mana Pools.

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