Le Niger
Cet article fait suite à celui-ci : https://busy.org/@terresco/rencontres-avec-l-afrique-les-touareg-d-agadez et raconte la vie d’un targui d’Agadez né dans les années 50 et que j’ai rencontré par hasard au pied de la mosquée d’Agadez. Il a connu la beauté du désert de son enfance, les années difficile suite aux sécheresses et les problèmes politiques dus à la décolonisation. Il était aux côté de Mano Dayak d’abord au Paris Dakar puis au cours de la rébellion Touareg au début des années 90.
On le retrouve dans son village natal des montagnes de l’Aïr au début des années 80. Il était revenu s’y installer suite aux nombreuses péripéties de sa vie. Une sécheresse historique ruine ses espoirs de faire survivre sa famille et il sait qu’il va falloir repartir, encore une fois ...
... mais où aller ?
A cette époque, beaucoup partaient en Libye. Le colonel Kadhafi incitait les Touaregs à créer une république. Une nouvelle chimère pour notre peuple, mais, dans notre désespoir, nous voulions y croire. Ma femme est tombée enceinte, l’événement tant espéré nous a dissuadé d’entreprendre ce voyage long, difficile et dangereux à travers le désert.
La chance a surgit, sous la forme d’un Toyota, piloté par un Targui. Il amenait un couple de blancs dans le désert. C’étaient des touristes, ils venaient volontairement dans notre région sèche et isolée. C’était un concept nouveau que nous avions un peu de mal à comprendre … touristes. Après leur avoir offert de l’eau et des dattes, le Targui m’a demandé la direction de la « pince de crabe », un endroit magique où la mer de dunes roses déferlant du Ténéré vient s’engouffrer dans la demi-lune formée par les montagnes.
La femme de Mano était Française, elle travaillait avec nous. J’ai découvert un monde nouveau à travers elle et les touristes que nous emmenions. Il y avait beaucoup d’étrangers qui venaient et revenaient, ils adoraient le désert. La maison des Dayak était toujours pleine. De mon côté j’adorais ma nouvelle vie, j’avais beaucoup amélioré mon expression Française, j’avais de gros pourboires mais surtout j’étais considéré, respecté. Nous avons construit notre maison à Agadez, rénové celle de mes parents dans l’Aïr et eut deux fils et une fille. C’était des années fastes.
Le Paris Dakar a fait irruption dans nos vies au milieu des années 80. On a commencé à faire des repérages, prendre des contacts, installer des réserves d’essence, d’eau, de pièces détachées dans tout le Ténéré. Tout le monde venait ici nous filmer avec de grosses caméras pour les TVs des pays des blancs. Le monsieur qui s’en occupait s’appelait Thierry, comme toi (Il s’agit de Thierry Sabine). Malheureusement en 1986 il a eut un accident d’hélicoptère avec d’autres amis, pour nous cela a été très dur et même si nous avons participé ensuite à 3 Paris Dakar quelque chose avait changé.
J’ai du me cacher pendant ces années de misère. Nous nous sommes réfugié, une fois encore, dans l’Aïr. Nous avons vécu de dattes et de la vente des bijoux offert à ma femme pendant notre période faste. En 1993 Mano est revenu, je l’ai immédiatement rejoint et nous avons rallié la rébellion. Nous nous sommes battus, nous avons même attaqué les mines d’Arlit. J’ai toujours était à ses côtés et je peux dire que c’est grâce à lui qu’il n’y a pas eu plus de morts. Il a calmé les ardeurs des autres chefs qui voulaient plus de violence, il a entrepris des négociations avec le gouvernement.
C’est moi qui l’ai conduit à son avion alors qu’il partait, en 1995, pour négocier le traité de paix avec le président Nigérien. Ils ont dit que c’était un accident mais moi je n’y crois pas ... »
Sa voix se casse, l’émotion le submerge. Un Targui se tait mais ne pleure pas. Je connais la suite, tout le monde connait la suite, l’avion de Mano Dayak est tombé au décollage et à pris feu. Ils sont tous morts, Mano Dayak et ceux qui l’accompagnaient. Les différentes enquêtes officielles ont conclues à un accident.
Les années suivantes ont connues des petits hauts et des grands bas pour les Touareg d’Agadez. En ce début d’année 2000 le Paris Dakar à annulé au tout dernier moment les quatre étapes au Niger les remplaçant par un pont aérien vers la Libye. L’espoirs des Touareg de relancer leur économie touristique ont été ruinés et les investissements réalisés, stock d’essence, piste, pièces détachées … tout a été perdus.
Cette rencontre a eut lieu en juillet 2000. Je n’ai aucune idée de ce qu’à pu devenir Michel depuis. Victime de l’uranium qu’il extrayait à Arlit ? De la guerre avec l’armée Nigérienne ? De l’arrivée des groupes Islamistes dans le Sahara ? ou, je le souhaite, vivant heureux dans son refuge de l’Aïr.
Ce fût une de ces rencontres intenses et fugaces comme il arrive souvent en voyage. Comme celui de beaucoup d’ethnies restées fidèles à leurs traditions ancestrales, l’avenir des Touaregs n’apparait pas sous les meilleurs hospices.