The English version of this post is available here. As promised a month ago, my series ‘Live from CERN’ will be entirely translated in French, and from now on the translations will be 100% SP posts.
L’experience ASACUSA au CERN a publie jeudi dernier des resultats flambant neufs sur les proprietes des antiprotons, qui sont des particules d’antimatiere aussi connues sous le nom d’antiparticules. Juste pour flasher quelques gros mots, les antiprotons sont aussi ce qu’on appelle des noyaux d’antihydrogene.
Cette experience a donc teste a un niveau de precision sans precedent la symetrie CPT (pour conjugaison de charge - parite - renversement du temps), l’une des symetries les plus fondamentales supposees etre realisees dans la nature.
L’article scientifque original duquel je vais parler se trouve ici, mais il faut malheureusement une accreditation universitaire pour y avoir acces (ou payer de sa poche). Il est vrai que publier dans Science est sympatique, mais des journaux en acces libres sont definitivement un meilleur choix d’apres moi. Mais bon, ce n’est pas le sujet.
LES BUTS DE L’EXPERIENCE ASACUSA
[image credits: CERN]
Les physiciens des particules aiment les acronymes et ASACUSA est simplement l’un deux. Cela signifie Atomic Spectroscopy And Collisions Using Slow Antiprotons (spectroscopie atomique et collisions utilisants des antiprotons ralentis). ASACUSA est l’une des nombreuses experiences ayant lieu au CERN (et n’a rien avoir avec le LHC), et on peut l’observer dans les photos illustrant cet article.
Le but de cette experience est d’etudier les proprietes de l’antimatiere et de tester l’une des symetries fondamentales de la nature, la symetrie entre matiere et antimatiere aussi connue sous l’appelation de symetrie CPT.
Particles de matiere et d’antimatiere d’un type donne sont similaires, mis a part leur charge electrique qui est opposee (pour faire d’une longue quelque chose de court). Par exemple, electrons et positrons ont la meme masse, mais des charges electriques respectives opposees de -1 et +1 respectivement, dans un systeme d’unites ou la charge du proton vaut 1.
ASACUSA a pour but de mesurer precisement les proprietes des antiprotons et de les comparer a celles du proton afin de tester la validite de la symetrie CPT. La premiere propriete evidente a mesure est donc simplement la difference de masse entre un proton et un antiproton.
Ces deux particules ont en effet la meme masse, comme predit par la symetrie CPT, mais des charges electriques opposees de +1 et -1.
PRODUCTION D’ATOMES HYBRIDES COMPOSES DE MATIERE ET D’ANTIMATIERE
[image credits: CERN]
L’idee derriere la nouvelle mesure d’ASACUSA est assez simple et peut etre resumee en deux lignes:
- helium antiprotonique;
- spectroscopie.
Je vais d’abord me focaliser sur le premier terme et ensuite discuter le second plus tard dans ce post.
Les noyaux atomiques d’helium ont une structure tres simple et sont faits de deux protons et deux neutrons. Les atomes d’helium contiennent un noyau d’helium autour duquel orbittent deux electrons. De l’helium antiprotonique est un atome d’helium ou l’un des deux electrons a ete remplace par un antiproton.
Les antiprotons et les electrons sont deux particules avec une charge electrique de -1, mais l’antiproton est bien plus lourd. Un des resultats d’ASACUSA a ete de mesure le rapport de ces deux masses avec une precision impressionante et de le comparer au rapport de la masse du proton a la masse de l’electron.
Les atomes d’helium antiprotonique sont donc des atomes hybrides faits de matiere et d’antimatiere. Ils peuvent etre crees en envoyant un faisceau d’antiprotons a travers un gaz d’helium. Obtenir le faisceau d’antiproton n’a rien de fondamentalement complique, bien qu’il ne s’agit rien d’autre qu’un faisceau d’antimatiere (contenant l’antiatome le plus simple). Le CERN a un complexe entier dont le but n’est que de delivrer des antiprotons a plusieurs experiences.
[image credits: CERN]
Une fois que les antiprotons sont injectes dans le gaz d’helium, la plupart des antiparticules vont s’annihiler tres rapidement. La raison est simple : lorsqu’une antiparticule rencontre la particule associee, elles s’annihilent toutes les deux. Et le gaz d’helium est bien sur plein de protons qui n’attendent qu’un antiproton qui passerait par la…
** Une petite fraction (3%) des antiprotons injectes ne vont cependant pas s’annihiler et forment a la place des atomes d’helium antiprotonique.** Si nous envoyons un nombre suffisamment grand d’antiproton dans le gaz d’helium, on recoltera alors un nombre significatif d’atomes hydrides d’helium antiprotonique. On parle en fait ici de pres de deux milliards d’atomes qui ont ete produits durant cinq ans.
REFROIDISSEMENT DES ATOMES HYBRIDES DE MATIERE/ANTIMATIERE
Une foi produits, ces atomes hybrides de matiere/antimatiere sont refroidis a une temperature bien plus froide que dans le vide de l’univers. On parle de 1.5 K, soit -271 degres celsius. C’est un aspect crucial de l’experience ASACUSA. Avec une temperature si basse, les vibrations des noyaux d’helium deviennent tres lentes et sont donc sous controle experimental**.
Les proprietes des antiprotons peuvent par consequent etre mesurees avec une precision sans precedent vu que le mouvement intrinseque du noyau ne vient plus deranger la mesure. Cela contraste avec tous les resultats precedents pour lesquels le mouvement du noyau empechait toute mesure de precision.
En passant, un des verrous technologiques qu’ASACUSA a fait sauter concerne la technique de refroidissement employee. Un gaz refrige d’helium a ete utilise pour refroidir les atomes d’helium antiprotoniques.
LES MESURES ET LES RESULTATS
Maintenant que nous avons des atomes d’helium antiprotonique froids, nous pouvons commencer a mesurer les proprietes de l’antimatiere, et en particulier la masse des antiprotons, avec grande precision. Dans ce but, une methode spectroscopique a ete utilisee. C’est le second mot cle mentionne ci-dessus.
L’idee derriere la mesure et d’utiliser un faisceau laser afin d’exciter l’atime d’helium antiprotonique. Ainsi, l’antiproton va se deplacer vers un niveau d’energie plus eleve. Il s’agit purement et simplement d’une transition atomique comme on en voit des milliers.
Afin que cette transition ait lieu, la frequence du laser doit etre ajustee tres finement. Et la mecanique quantique fait le reste : l’nergie est quantifiee de sorte que seules des valeurs bien precises de la frequence du laser donneront lieu a une transition atomique.
A part de la mesure de la frequence du laser, le rapport de la masse de l’antiproton a celle de l’electron peut etre extrait grace aux calculs d’electrodynamique quantique.
Ce rapport a ete trouve egal a 1836.1526734, lorsque les chiffres affectes par les erreurs experimentales sont omis.
Cette mesure est en accord avec le rapport de la masse du proton a celle de l’electron a un niveau de 0.00000008 %. La symetrie fondamental CPT semble donc respecte a un tres haut niveau. La theorie est donc sauvee!
SOURCES
- Le site wen officiel d’ASACUSA;
- La coupure de presse du CERN associee a l’histoire ci-dessus;
- L’article dans Science peut etre telecharge ici. Attention c’est payant.
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