DECOUVREZ LES PHILIPPINES - Escale #5 - Le dossier pêche...!

Le dossier pêche...


Embarcation de pêche aux Philippines...

* * * * *

L’alchimie entre l’alcool et la quiétude d’une nuit étoilée est en général un bon catalyseur pour réveiller chez le marin ses capacités à trouver les solutions pour à peu près tous les problèmes de la planète. Ce soir-là, ce fut le cas pour Andy et moi-même. En moins de deux heures, nous avions vidé les océans de leurs problèmes, la planète de ses cons, et le bar de la moitié de ces futs de bière. Autant dire que toutes les idées produites n’étaient pas forcément d’une pertinence à toute épreuve ! Et pourtant, une de ces idées reste encore aujourd’hui inscrite dans mon esprit pour sa simplicité et son réalisme. « The problem is the freezer ». En cinq mots, Mon ami navigateur anglais venait de résoudre le problème de la surpêche dans le monde et tout particulièrement en Asie.

Car lorsque vous abordez l’Asie par l’Est des Philippines après avoir couru les eaux riches et poissonneuses de La Mélanésie ou de La Micronésie, là où une ligne de pêche ne reste rarement plus d’une heure à l’eau avant de vous fournir le repas de la semaine, vous ne pouvez en aucun cas rester sans réaction face à la sérénité avec laquelle votre leurre de pêche se jette à l’eau sans la moindre angoisse.

* * * * *

Débris de coraux détruits
Ma rencontre avec les pratiques de pêche asiatique commença autour de l’île de Talavera dans l’Est du pays. Après pratiquement un mois sans plonger, j’avais quelques fourmis dans les palmes et une énorme envie de découvrir les fonds sous-marins Philippins. Fidèle à ma méthode d’exploration pure, je décidais d’un point sur la carte sans le connaître, m’y rendis en voilier, et après m’être présenté au village et y avoir rencontré des personnes très accueillantes, je pouvais enfin enfiler mon scaphandre et partir à la chasse de quelques clichés sous-marins. Surprenant ! 10 à 15cm, c’est la taille du poisson le plus gros que j’ai pu observer durant les 10 premières minutes de plongée. Et puis, alors que résigné à trouver une population « normale » de poissons je me retranchais vers la recherche de micro-organismes pour faire quelques clichés de macro, il y eu cette détonation totalement folle. Le palpitant bien fort, je remontais en surface pour essayer de comprendre ce qu’il s’était passé. Rien à l’horizon si ce n’est le pêcheur que j’avais laissé en surface bien sagement appuyé sur sa ligne de pêche. Il me fallut retourner au village et discuter avec les habitants pour comprendre l’origine du phénomène. « La dynamite » m’expliqua l’un des villageois. « C’est interdit, mais beaucoup l’utilisent encore ». La dynamite est arrivée en Mélanésie et en Asie avec la seconde guerre mondiale. Lorsque ces zones furent démilitarisées, des tonnes de munitions furent laissées sur place car trop encombrantes et couteuses pour être ramenées en Europe et en Amérique. Les pêcheurs découvrirent alors une nouvelle technique de pêche totalement dévastatrice par l’utilisation des explosifs laissés sur place. Lorsqu’il n’y en eu plus, ils se mirent alors à les fabriquer eux-mêmes. Aujourd’hui, malgré l’interdiction, cette pratique comme celle de l’utilisation du cyanure sont très courantes. Elles firent partie du quotidien de mes plongées.

Ailerons de requins
Une autre observation surprenante que j’ai pu faire durant la quasi totalité de mes plongées, est l’absence de requins. Autant en Mélanésie il était impossible de se mettre à l’eau sans être accompagné par un squale, autant ici, aux Philippines et plus généralement en Asie, mes amis à ailerons pointent aux abonnés absents. La pêche aux ailerons en est bien évidemment la première des raisons. Au point que devant l’absence générale de requins dans les eaux asiatiques, les industriels de l’Asie et de la Chine, vont désormais chercher les ailerons dans tout le Pacifique et parfois même jusqu’à l’Océan Indien. Une toile commerciale parfaitement tissée qui ramène des ailerons de toute la planète pour une exploitation industrielle dans les produits cosmétiques de madame, ou les fameuses soupes made in China.

Cagayan island, un atoll perdu en pleine mer de Sulu au cœur des Philippines, restera une escale qui me remémorera nombreux de mes arrêts en Mélanésie. Quarante huit heures de mer me seront presque nécessaires pour m’y rendre. L’isolement apporte souvent un petit retour aux anciennes méthodes et fait parti des facteurs qui laissent les lieux un peu plus vierges qu’ailleurs. J’y retrouvais les profils de plongée des atolls, faits d’un premier tombant récifal me guidant jusqu’à -30m le long d’un tombant, d’un plateau souvent sablonneux, puis d’un second mur me portant au delà des soixante mètres. A mon grand désarroi, je découvris une première partie du récif composée principalement de coraux durs détruite à 80%. Il me fallu pousser ma descente au delà des 60m afin de découvrir un paysage fait de gorgones géantes et de coraux mous dans un état de conservation que je qualifierai de bon. Les jours suivants, je fus attiré par une construction réalisée à même la barrière de corail à plus de 6km des côtes. Un pêcheur croisé aux alentours m’expliqua que cette construction était la maison des gardiens du récif. « Les braconniers viennent de Negros et Panai », les deux îles principales les plus proches, « et pêchent à la dynamite et au cyanure autour de notre atoll. Nous les faisons fuir lorsque nous les trouvons ». Une lutte difficile qui s’annonce bien inégale, mais qui a le mérite d’exister.


Construction de la maison des gardiens

* * * * *

L'archipel des Bacuit
A El Nido, Bijoux touristique de Palawan, dans l’ouest des Philippines, les clubs de plongées se sont copieusement installés. Les falaises de l'archipel des Bacuit sont impressionnantes. Tout me laisse espérer trouver des parois couvertes de coraux et des paysages sous-marins enfin riches... Mais Jacques, un moniteur de plongée à la retraite, m'avertit gentiment. "Ici, ce ne sont pas les touristes qui sont venus parce que la plongée est pratiquée, mais la plongée qui est venue parce que le tourisme est pratiqué...!" En d'autres mots, la plongée ne sert qu'à occuper un tourisme déjà présent. Avant l'explosion touristique datant d'après l'émission "Kolahanta", la pêche au cyanure et à la dynamite étaient pratique courante. Depuis, pour le tourisme, des gardiens ont été implantés dans l'archipel, et préviennent les autorités s'ils constatent une pêche illégale. Les pêcheurs se sont convertis en "Boat men" et tout le monde tente de transformer les Macouines en l'image par laquelle elle est vendue dans les agences de voyage partout sur la planète. Sous l'eau les propos de Jacques se confirment. Les parois sont lisses, le corail est blanchi par l'utilisation abusive du cyanure, et quelques tombants sont recouverts de débris de squelettes de coraux. Les poissons y sont très peu nombreux. Quelques îles sont en cours de recolonisation. Des structures de porcelaine ont été implantées et permettent au corail de se fixer "rapidement". La zone est surveillée davantage qu'ailleurs, les résultats commencent à être visibles. Satisfaisant pour un tourisme novice, toujours ridicule pour une personne avertie à la réelle splendeur d'un récif intact.

* * * * *

Mario
Enfin, A Risal, un village du sud de Palawan, je rencontre Mario. "Une gueule", comme on le dit affectueusement. 65 ans bien tassés, Mario est né ici, a vécu de la pêche toute sa vie et suit désormais ses fils ayant repris l'activité. Ils disposent d'une pirogue à balancier de 8m et d'un système compresseur-narguilé sans doute de la même génération que mon ami Mario! La nuit c'est la pêche aux langoustes, le jour, celle du mérou. A mon arrivée, l'un de ses fils me montre la glacière fixée sur le porte-bagage de sa petite moto. "J'apporte ça au village. Le camion de froid passe aujourd'hui..." A l'intérieur 6 mérous rouge à poids bleus, le résultat d'une semaine de pêche...
La pêche au narguilé
Le lendemain, je suis invité à les suivre pendant leur sortie. Ils s'équipent de palmes faites d'une plaque de fibre de verre et d'un élastique de chambre à air, de vêtements à manches longues en guise de combinaison, attrapent le tuyau du narguilé à même la bouche sans embout buccal, se signent, et disparaissent sous l'eau. Beaucoup ne remontent jamais. En surface, 2 hommes les suivent aux bulles. L'un lâche ou reprend de la longueur de tuyau à la demande,
Les palmes des plongeurs
l'autre gère la pirogue dérivant parfois fortement avec le courant et évitant que le tuyau du narguilé ne vienne se prendre dans l'hélice. Je retrouve mes amis sous l'eau. Ils nagent à une vitesse folle. Je me traine derrière avec le poids de mon bi-bouteille sur le dos. Une perche équipée d'un lasso leur permet d'attraper langoustes et mérou vivant. Les biches de mer (concombres de mer) sont aussi la cible de mes amis pêcheurs. Ils ressortiront une heure plus tard sans avoir réalisé le moindre palier. La pêche d'aujourd'hui se résume à 5 biches de mer. C’est maigre, mais c’est désormais leur quotidien, la mer ne fournira plus la ressource nécessaire à leurs besoins.


Tellement de messages dans ce regard

* * * * *

Il très difficile et certainement inutile de juger ces méthodes. Je me dis qu’une prise de conscience bien que minoritaire est en train de naitre et que de toute façon dès que le seuil de rentabilité sera déficitaire, ces méthodes s’estomperont d’elles-mêmes. Mais c’est triste de voir une population abimer à ce point son environnement surtout lorsque cette même population sait faire preuve d’une gentillesse et d’un accueil des plus chaleureux. En quittant Les Philippines je ne sais pas encore que je retrouverai cette même problématique de pêche partout en Asie. Ici, la mer est liée à la notion de rentabilité extrême, par la pêche ou par le tourisme, les excès sont toujours très vite atteints et ne connaissent aucune limite. Andy avait raison, le problème c’est le congélateur !

Davantage sur mes escales aux Philippines en français ici:
@marc-allaria/decouvrez-les-philippines-5-scenes-cocasses-en-mer

More about my stops in philippines in english, here:
@vcelier/discover-the-philippines-funy-situations-at-sea


Follow Me Here


Signature noire.png

H2
H3
H4
3 columns
2 columns
1 column
7 Comments