Chapitre 27 • Et boom!
A commencer par l’intrusion informatique, l’escroquerie en bande organisée et depuis le voyage au Québec, le faux et usage de faux. Bref, je n’ai qu’à faire le dos rond et attendre de gagner pour rentrer dans mes fonds. Il serait d’ailleurs temps que la Justice se bouge car mes banques au Luxembourg commencent à s’exciter pour que je rembourse les 300,000 euros pour lesquels je suis caution.
Début 2008, ma reconversion est bien amorcée. Les Tribunaux de Grande Instance de Normandie me donnent du boulot. Le 18 janvier 2008, je rentre sur Paris, fier d’annoncer les bonnes nouvelles à Julie. On va enfin pouvoir souffler, se poser, et même envisager des travaux dans la maison. J’ai la première mission à mon nom et je sais très bien que la première n’est que l’antichambre des 30 dossiers à recevoir cette année.
J’arrive chez Julie à Paris un peu tard et les enfants sont déjà couchés. Elle bouquine sur le canapé. Je m’assieds près d’elle. Elle me demande comment on peut faire un site internet. Alors d’abord, je ne suis pas le plus spécialiste dans ce domaine, mais en plus, je ne vois pas bien où elle veut en venir surtout qu’elle me parle d’un site de vente de tissus nobles… Elle qui ne connait rien en informatique et encore moins en tissus nobles, sa demande me surprend mais je ne vois pas où elle veut en venir. Sagement, je lui explique. Je vais même chercher quelques bouquins d’informatique dans le bureau.
Je sens bien que quelque chose ne va pas mais bon, on a tous droit d’avoir des humeurs ou des projets. Et là, très calmement, elle me dit qu’il faut qu’elle m’avoue quelque chose. Ah?
- Je n’ai plus de désir pour toi. Et cela fait des mois.
J’encaisse le coup. Normal. Qu’elle soit moins amoureuse qu’il y a 13 ans, je le conçois aisément. Surtout avec les trois années du dossier VALMY. Ca use forcément. Je reprends tout de même mes esprits :
mais tu as du désir pour quelqu’un d’autre?
Oui...
Ah oui, là, c’est en effet plus emmerdant. Bêtement, j’essaye de savoir qui... Sans effet bien sûr. Elle me dit:
- mais on s’entend super bien tous les deux, je ne veux pas te perdre. On a qu’à partager la maison et comme ça les enfants seront heureux...
Elle me laisse sans voix. C’est vrai qu’on s’entend bien. Je mesure que notre couple est vraiment mort sans être passé par la case abjecte où l’on se jette les assiettes au visage… Les enfants? Oui, il est vrai qu’il y a trois enfants au milieu de tout ça… Notre dernière a à peine 5 ans. Le seul moment où je pouvais commencer à m’en occuper, il m’explose à la gueule.
Ce putain de dossier VALMY, il va me falloir le vomir jusqu’à la dernière goutte. Je l’écoute patiemment. En fait, je sais ce soir là que je vais lui rendre sa liberté. Je lui dois ça. C’est con, je l’aime. Mais c’est la vie. Et nous allons nous coucher en faisant très officiellement chambre à part.
Le lendemain, je l’observe. Rien n’est rationnel. Elle qui vivait sans portable, elle en a un depuis deux semaines et je n’ai rien vu venir. Je suis même allé le chercher avec elle. Mais, là, ce n’est pas pour rester en contact avec moi. Non. Ce sont des centaines de SMS à l’autre... Je n’ai jamais vue Julie comme ça. Elle est amoureuse. Le big love. Et je n’ai rien vu venir, trop préoccupé par mon dossier VALMY...
Peut être que je n’avais pas envie de le voir aussi? Chose certaine, je ne vais pas me battre. Je veux qu’elle vive sa grande histoire d’amour. Je lui dois bien ça. Et moi, il va falloir commencer à accepter que je repars de zéro. Il va falloir admettre que ce n’est pas un échec mais une chance.
Ma boîte a été explosée et ma famille aussi. Mon nouveau boulot s’annonce prometteur. Alors il faut savoir aller de l’avant. Et c’est ce que je vais faire en me disant que je n’ai plus qu’à suivre de loin les procès en cours pour espérer un jour récupérer ce que l’on m’a pris… et me concentrer sur ma nouvelle activité.
Denis va encore intervenir. Rester chez Julie n’est pas possible, je ne me vois pas dormir dans le bureau pendant qu’elle se pavane avec l’autre... Denis m’a trouvé un studio sur le golf de Saint-Gatien, près de Deauville. C’est sublime comme garçonnière me dit-il! Des moments durs, j’en ai vécu. En Pologne, en Allemagne, à Amiens, au Québec aussi, il a fallu aller puiser dans les réserves pour résister. Se relever et faire face. Mon arrivée au Golf fera partie de ces moments insoutenables.
Nous sommes début février. Dehors, il fait froid et j’arrive sur le golf vers 20h00. Il fait nuit noire. J’ai sous le bras le petit carton que m’a préparé Denis. Une cafetière, du café, deux tasses, deux assiettes... le paquetage de base. J’ai un duvet dans la voiture. Je pousse la porte et le sordide me jaillit à la gueule. Il y a pour seul meuble ce vieux canapé pourri et tout défraîchi. Il fait noir. Mais noir. Il fait froid aussi. 4 degrés dans la pièce. Les larmes viennent spontanément. C’est juste un cauchemar de plus… J’ai envie de rentrer à Paris, serrer Julie et les enfants dans mes bras, leur dire que je les aime et que je souffre. Je, je, je…
Dans cet instant cruel, j’appelle Julie. C’est un réflexe et c’est aussi la seule à qui je peux parler de mes malheurs. La conversation va être très brève. Ses propos sont sans ambiguité : il faut que j’assume et que je lui foute la paix. Elle ne reviendra pas. J’ignore que mon « concurrent » a déjà pris ma place dans notre lit.
Ca c’est dit. J’encaisse. Et je me demande comment m’organiser, notamment avec les enfants. J’allume une bougie. Il n’y a pas d’internet, pas de meubles… rien sauf des moisissures et une grande verrière qui donne sur le golf avec vue sur le Havre. Je ne vois pas comment faire venir mes enfants ici… Je suis paumé. Cette souffrance, je ne pourrai la partager avec personne et je suis complètement paumé. Et puis les mômes, ils ne me connaissent pas. Je ne les connais pas non plus au fond. On fait comment avec des gosses quand on est un papa seul? Tout se bouscule dans ma tête.
Je n’ai même pas de haine. Je suis perdu. Je suis en dépression surtout. Et je suis loin de m’en rendre compte. Mais comme toute personne dépressive, confrontée à des choses nouvelles, j’essaye tant bien que mal de rationaliser…
L’instinct de survie encore une fois…
A SUIVRE
Table des matières:
Introduction • chapitre 1 • chapitre 2 • chapitre 3 • chapitre 4 • chapitre 5 • chapitre 6 • chapitre 7 • chapitre 8 • chapitre 9 • chapitre 10 • chapitre 11 • chapitre 12 • chapitre 13 • chapitre 14 • chapitre 15 • chapitre 16 • chapitre 17 • chapitre 18 • chapitre 19 • chapitre 20 • chapitre 21 • chapitre 22 • chapitre 23 • chapitre 24 • chapitre 25 • chapitre 26