Guerre de 14/18 - Episode 7
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Les lettres de mon grand-père échangées avec ses proches pendant la guerre de 1914/1918 sont restées au fond des tiroirs jusqu'à ce que la commémoration du centenaire de " La Grande Guerre" réveille les mémoires et invite mon père, en premier, à me parler de son beau-père.
La chance me permit de récupérer ensuite de nombreuses lettres chez des parents. A travers ce blog je vais vous faire partager une partie de cette correspondance de 1914 associée aux mémoires de mon grand-père qu'il a écrites en 1956.
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Episode familial
Mémoires
En septembre 1915, dans un boyau d'accès entre Suippes et Souain, pendant une corvée d'obus portés à dos, je croisai mon père, Capitaine, commandant une batterie dans ce secteur. Il m'emmena déjeuner à son P.C. mais cela me gêna d'être avec ses lieutenants. Je n'étais pas de ce milieu-là.
Peu après l'attaque de Champagne, à la ferme de Navarin, toujours agent de liaison, je fus muté au 47e Régiment d'Artillerie de Campagne. Je me trouvais alors dans un groupe voisin de la batterie commandée par mon père qui avait reçu un éclat d'obus à la poitrine et était soigné à Paris.
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Carte de Robert à sa soeur Renée - 8 octobre 1915
Merci ma chère Renée de la bonne lettre me disant que Papa allait bientôt être opéré de l'éclat d'obus reçu. Quant à moi tout va bien pour le moment. Nous continuons toujours à bien travailler. Dis donc à Pierre de m'envoyer un mot cela me ferait plaisir. Lucy m'a beaucoup écrit de Maison-Laffitte. J'ai bien reçu les colis de Potin et du Louvre. J'espère que Papa ne souffre pas trop.
Je t'embrasse ainsi que tous tendrement. Ton frère qui t'aime.
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Lettre de Robert à sa soeur Renée - 9 octobre 1915
Ma chère Renée
J'ai reçu plusieurs bonnes lettres de toi qui m'ont fait toutes grand plaisir. Le colis de Potin que je suis en train de fortement endommager était exquis. J'ai fort apprécié la galantine de lapin qui a contribué à relever l'ordinaire.
Mais pourquoi l'ami Potin est-il si économe de raisins de Corinthe dans son plum-cake? Mystère? Mais pourquoi s'en étonner, nous vivons au milieu des mystères.
J'ai également reçu hier "Le Règne de Robespierre". J'en suis enchanté. Vous avez fait mouche, c'est exactement cela que je désirais. Je ne pouvais rien recevoir de mieux. Vois-tu, l'époque de la Révolution m'a toujours beaucoup intéressé et je suis toujours heureux d'apprendre quelque chose de neuf là-dessus.
Je suis bien content de savoir que Papa va de mieux en mieux mais l'idée que l'éclat n'est pas retiré me tracasse toujours.
Dites-moi vite quand ce sera fait et puis il faut bien que Papa ne se fasse pas de mauvais sang pour moi il n'y a rien qui m'ennuie plus.
Ici toujours même activité et résultats plus ou moins heureux. Nous n'entrevoyons pas du tout la fin du conflit maintenant que Messieurs les Balkaniques s'en mêle d'une façon rappelant à s'y méprendre la confection d'une salade russe!
Tu veux savoir comme je vais? Excellent, comme toujours. Un peu pâle, rapport à l'eau qui est très lointaine et à notre passion invétérée de persister à habiter sous terre. Seulement maintenant, dans les abris creusés, les rats et mulots se livrent à des gigues qui ne sont pas du tout de circonstance et s'ils ne faisaient que cela! Mais ils nous becquettent pain, lard, bougie et même rondins de sapin qui nous servent de plafond.
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Il y a une chose qui agace au front c'est de penser qu'à Paris on nous traite de héros et de sublimes en grignotant des truffes dans de grands dîners au milieu d'un luxe de fleurs, d'orfèvrerie, de porcelaines, de cristaux, dans une douce moiteur avec des bouffées d'air pleines de senteurs recherchées!
Mais ce ne sont que des passages, on accepte son métier de bougre avec moins de déclamations que celles de Richepin et on dort tranquille tout de même.
Je t'embrasse tendrement ainsi que tous. Ton frère qui t'aime.
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Lettre de la mère de Robert à son fils - 12 octobre 1915
Mon bon chéri Robert,
Ta lettre à Renée est venue bien à point nous rassurer un peu car hier, Gérin avait écrit que ta batterie avait été cruellement éprouvée par un obus qui avait fait beaucoup de victimes. J'en étais toute bouleversée. Pauvre enfant bien aimé, tu es bien courageux et tu es calme d'esprit dans cet Enfer qui ne finira donc pas!
Tes lettres ont fait grand plaisir à ton Papa qui se ronge d'impatience sur son lit d'hôpital. Toujours ni radiographie ni opération. Les chirurgiens sont débordés et courent au plus pressé. Pourtant nous ne pouvions pas voir ton Père mieux soigné et plus près de nous. Nous passons trois heures auprès de lui chaque jour mais la consigne ne permet pas davantage. Son colonel lui a écrit une lettre élogieuse avec l'espoir d'une récompense mais ton Père se dévoue sans que cette idée en soit le but.
J'espère que tu es en possession de ton chandail, de tes chaussettes et des gants fourrés. J'ai envoyé aussi un petit paquet d'allumettes, de lacets et d'épingles.
Je t'embrasse, mon bien cher petit, en te redisant ma meilleure tendresse. Ta mère.